Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Paris, mercredi, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Au lendemain d’une “mobilisation historique” contre la réforme des retraites, les manifestants ont donné de la voix pour dénoncer un projet dont elles sont présentées comme les grandes perdantes, tout en dénonçant un système qui continue “à les maltraiter”.
“En 2023, la fin du patriarcat !” Des milliers de personnes ont manifesté mercredi 8 mars à Paris, pour la Journée internationale des droits des femmes. Une mobilisation fortement imprégnée par la contestation du projet de réforme des retraites, sans éclipser d’autres combats pour l’égalité et la justice sociale.
“C’était l’occasion parfaite pour appeler à l’égalité au travail comme dans la vie”, explique Caroline, 33 ans, membre du syndicat Solidaires, à l’initiative, avec la FSU et la CGT, de cette “grève féministe”. “Nous sommes dans la rue pour dire non à la réforme des retraites et dénoncer les inégalités économiques entre hommes et femmes, mais aussi pour en finir avec les violences sexistes et sexuelles, défendre le droit à l’avortement ou encore soutenir les femmes du monde entier”, poursuit-elle. “Car tous ces combats sont liés. À la fin, il s’agit de défendre les droits de la moitié de la population.”
“Cette réforme nous touche en priorité”
Le cortège, majoritairement féminin, s’est élancé sous la pluie, peu après 14 heures, de la place de la République en direction de la place de la Nation. “Même la pluie est sexiste !”, crie en riant une jeune femme au porte-voix.
Parmi les manifestants, certains ont déjà battu le pavé le 7 mars, sixième journée de grève intersyndicale, à la participation “historique“, selon les syndicats, contre la réforme des retraites. Parmi eux, Jasmine, 66 ans. Cette ancienne ouvrière est venue de Bourgogne pour faire entendre sa voix. “J’étais là hier, je suis là aujourd’hui, et je serai encore là aussi longtemps qu’il faudra”, assure-t-elle. “Mais manifester aujourd’hui, symboliquement, c’est presque encore plus important car cette réforme, elle nous touche, nous les femmes, en priorité.”
“Avec ma retraite, je ne gagne que 824 euros par mois. Une fois les charges payées, il me reste 27 euros pour vivre… Après avoir passé ma vie à l’usine, je suis maintenant obligée de faire des ménages pour arrondir mes fins de mois”, témoigne-t-elle. “Et on voudrait encore empirer la situation de celles qui vont me suivre ?”
“Cette réforme, c’est le symbole même de toutes les inégalités que les femmes vivent au quotidien“, abonde, quelques mètres plus loin, Chantal, 63 ans. Cette fonctionnaire a aussi manifesté lors des précédentes journées de mobilisation, mais elle tenait particulièrement à être présente pour cette journée du 8 mars. “Cette fois, je me bats pour bien plus que ma retraite. Je suis là pour tous nos droits sociaux – nos salaires, notre santé, le droit à l’avortement… Les droits des femmes sont toujours très fragiles, trop fragiles.”
Dans sa main, sa pancarte illustre son engagement. Au recto est notée une citation de Gisèle Halimi, figure du féminisme : “Tout ce qui fait avancer les femmes fait avancer la société”. Au verso sont collés des slogans contre la réforme des retraites – “Nous ne battrons pas en retraite”, “La retraite avant l’arthrite”…
“Hé meuf, t’es au courant ? Tu vas te faire avoir”
Depuis le début des mobilisations, les femmes sont présentées comme les grandes perdantes du projet de réforme des retraites. Un constat qui passe d’autant plus mal qu’à l’heure actuelle, les inégalités de pension sont déjà conséquentes : fin 2020, les femmes avaient en moyenne une retraite de 40 % inférieure à celle des hommes, différence ramenée à 28 % en cas de réversion. En cause, des carrières souvent plus complètes que celles des hommes, avec davantage de temps partiels et des salaires plus faibles.
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Symbole de cette inégalité au travail qui se répercutera à la retraite : à 15 h 40 sonnantes, depuis leur char, les Rosies, un collectif féministe, prennent la parole. Affublées d’un bleue de travail, elles rappellent que c’est à cette heure-ci que, chaque jour, les femmes commencent symboliquement à “travailler gratuitement”.
S’ensuit une chanson et une danse à la chorégraphie bien rodée : “Hé meuf, t’es au courant ? Tu vas te faire avoir. Tes périodes à mi-temps, ce sera pour ta poire. Si tu veux des enfants, tu partiras plus tard. Car le gouvernement raconte que des bobards”, entonne la foule, sur l’air de la chanson Freed from Desire, de Gala.
Faire cesser “toutes les formes de violences”
Mais à côté des nombreux slogans liés à la retraite et aux inégalités au travail, d’autres ont préféré mettre en avant d’autres combats. “Le consentement, partout, tout le temps”, “Ensemble contre les violences sexistes et sexuelles“, affiche ainsi Vassilia Mattei. Cette femme de 30 ans est cheffe de projet de HandsAway, une association qui fait de la prévention contre les violences sexistes et sexuelles en milieu scolaire.
“Nous sommes là pour nous battre pour l’égalité et réclamer les droits de tous et toutes”, résume-t-elle.
Camille, de son côté, a préféré montrer son soutien aux Iraniennes, presque six mois après la mort en détention de Mahsa Amini. “J’ai déjà manifesté hier pour les retraites. Aujourd’hui, j’ai voulu rappeler que dans le monde, notamment en Iran, des femmes pourraient mourir pour être descendues dans la rue comme nous sommes en train de le faire”, raconte cette enseignante de 48 ans. “Défendre nos droits est primordial, mais il ne faut pas oublier les autres : il faut faire cesser toutes les formes de violences.”
“De toute façon, on en a gros de tout !”, s’exclament en fin de cortège Tiffany et Raphaël. “On a l’impression de ne pas être écoutés par ce gouvernement, et qu’on doit se battre pour tout.”
Ces deux amis expliquent quant à eux avoir privilégié la journée du 8 mars pour manifester pour “la portée symbolique de la date” mais être venus principalement pour crier “leur ras-le-bol” face à la politique du gouvernement. “J’aimerais simplement qu’il soit plus bienveillant avec les gens et avec notre planète plutôt que de toujours favoriser les plus riches et penser au profit…”, explique Tiffany.
AVEC France 24